UTILISATION
D'UNE MATRICE DERMIQUE D'ORIGINE PORCINE EN RHINOPLASTIE : ANALYSE RÉTROSPECTIVE
Dr Lionel
AZAN ( Paris )
Le but de cette étude
a été d’évaluer la fiabilité en terme de sécurité et de résultat du Permacol
(matrice dermique de collagène porcin ) dans son utilisation en rhinoplastie et
d’en définir les bonnes indications
Etude rétrospective sur 2 ans avec une moyenne de 10,4 mois
de recul sur une cohorte de 135 patients ( 82 rhinoplasties primaires et 53
rhinoplasties secondaires ) . Le
Permacol ayant été utilisé dans les indications de camouflage et de rehaussement
du dorsum. Le rehaussement étant réalisé soit en association avec du cartilage
soit de façon isolée en mono ou
multicouches.
Cette
étude confirme la très grande fiabilité du Permacol dans son utilisation
en rhinoplastie et notamment en
rhinoplastie secondaire ( 39% des cas opérés )
Les indications qui en ressortent en sont le camouflage, l’utilisation en
greffe composée avec du cartilage pour les rehaussements supérieurs a 3 mm, et
les réhaussements du dorsum ne dépassant pas 2 mm de hauteur pour l’utilisation
isolé du permacol en monocouche.
La seule limite semble être son taux de
résorption non prévisible lors de son utilisation en multicouches (supérieure à
3 mm) où le risque d’une perte de volume peut affecter le résultat final
Mots
clés
Rhinoplastie
Permacol
Derme acellulaire
Greffe dorsale
matrice dermique
matrice dermique
INTRODUCTION
Depuis plus de 10 ans, les matrices dermiques acellulaires se sont développées
dans de très nombreuses indications avec succès en chirurgie plastique et
reconstructive.
Chaque matrice dermique acellulaire est
différente et présente ses propres spécificités.
Le Permacol (Covidien, laboratoire Tissue
Science) est une matrice dermique acellulaire fabriquée à partir du collagène
dermique de porc. La spécificité
du Permacol est sa réticulation obtenue à partir d’un traitement chimique le
rendant résistant au collagénase donc résistant à une éventuelle résorption.
Toute la difficulté de fabrication de ce type de
matériel réside essentiellement dans la réticulation puisqu’une réticulation
insuffisante va être responsable d’une résorption rapide et massive, alors qu’une réticulation
trop importante pourra empêcher une intégration partielle tissulaire avec un
risque d’encapsulation. Le matériel se comportant alors comme un matériel
synthétique et non plus comme un matériel biologique avec des risques d’infection
et d’exclusion.
Le produit manufacturé final est vendu comme un
implant permanent stérilisé aux rayons gamma acellulaire, non toxique, non
allergénique.
Le Permacol a reçu l’autorisation d’utilisation
en chirurgie en 1998. Il a d’abord été utilisé avec succès dans la chirurgie
des hernies ayant fait l’objet de très nombreuses publications notamment
histologiques (réf :8, 10 ).
Ces études ont confirmées la bonne intégration tissulaire en 18 mois de l’implant et son faible taux de
resorption.
Par ailleurs, ces études (chirurgie de la
hernie) ont souligné sa bonne tolérance même utilisé dans un milieu infecté ne
nécessitant pas l’ablation de l’implant .
En 2003, une première publication (dr Saray –
ref 3) a été publiée sur l’utilisation du Permacol dans la chirurgie de la
face.
Depuis 2008, de nombreuses publications ont
reporté son utilisation en rhinoplastie.
Récemment, en 2011, Lo et Hosni (Plastic Reconstructive Surgery – ref 4 ) ont
reporté une large série de 42
patients traités pour des ensellures nasales avec un suivi de 7 ans sans
complication significative et avec très peu de résorption En 2008, (réf.1).
Hopkins and Col ont publié une étude sur 58 patients avec un recul de 5
ans. En 2008, une étude de
Hosni, Lo and Col ( ref 2 ) a rapporté leur expérience sur l’utilisation du
Permacol en rhinoplastie sur 45 cas sur une période de 4 ans.
TECHNIQUE
Le Permacol utilisé se présente sous la forme de
feuilles de 3 x 3 cm en 3 épaisseurs différentes ( 0,5 mm, 1 mm, 1,5 mm ).
Il s’agit d’une feuille de collagène très souple, facile à couper, facile à
manipuler. Aucune précaution particulière est nécessaire à l’utilisation du
Permacol.
Il est possible de suturer le Permacol
en multicouches ou à du cartilage en utilisant un PDS 5/0. Sa résistance
permet une suture sans difficulté permettant aussi de le fixer par de simples sutures au PDS 5/0 aux
structures nasales. Sa souplesse en fait un implant de choix dans le camouflage
permettant d’éviter sa visibilité sous la peau comme on peut le voir avec
l’utilisation du cartilage
Figure 1 : le permacol
est un tissu souple facile a manipuler , a découper et a suturer
Tous les patients ont été opérés sous anesthésie
générale par une voie externe. L’intervention a été précédée d’une infiltration
à la xylocaïne adrénalinée à 1%. Une antibiothérapie per-opératoire d’Amoxycilline-acide clavulanique a été
poursuivie dans les 7 jours suivants par voie orale. Les patients ont bénéficié
d’une rhinoplastie ou d’une septorhinoplastie associée, dans tous les cas, à
différents types de greffes cartilagineuses (étai columellaire, greffon de
sheen, spreader-graft ou autres…).
Tableau 1 : épaisseur du Permacol utilisation
L’étude rétrospective repose sur 135 cas
d’utilisation du Permacol entre octobre 2010 et octobre 2012.
Le Permacol a été utilisé dans un but soit de
réhaussement soit de camouflage soit des deux, seul ou en association avec du
cartilage. Dans l’ensemble des cas, le cartilage a été prélevé sur la cloison
nasale et/ou du cartilage de
l’oreille
Le but de l’étude étant d’évaluer la sécurité du
produit ainsi que son efficacité à la fois dans le cadre du réhaussement mais aussi
dans le camouflage. Les patients ont été opérés par un seul opérateur sénior.
Les patients ont été réévalués soit dans le cadre de consultations
post-opératoire ou par un suivi par des photos postées par e-mail ainsi qu’un
contact téléphonique. Sur les 135 patients, 24 patients n’ont pas pu être retenus
par un manque de suivi. L’étude porte donc sur 111 cas, un recul allant de 3
mois à 27 mois avec un recul moyen de 10,4 mois. Sur l’ensemble des cas, il y
avait 29 cas de rhinoplasties
ethniques.
Tableau 2 : population
- Dans 51 cas, le Permacol a été utilisé
uniquement à visée préventive à type de camouflage chez des patients à peau
fine, utilisant une membrane de
0,5 mm en mono ou double épaisseur
- Dans 36 cas, le Permacol a été utilisé à visée
de camouflage et de réhaussement modéré entre 1 et 2mm de hauteur utilisant
essentiellement du 1 mm d’épaisseur.
- enfin, dans 24 cas, le Permacol a été utilisé
dans un but de rehaussement du dorsum entre 3 et 5mm. Un sous-groupe de 14 cas
utilisant le Permacol en multicouches soit avec du 1,5 mm soit avec du 1mm et
dans 10 cas, utilisant le Permacol en association avec du cartilage.
Figure 2 :greffon d’augmentation dorsal , A
et B greffon composée d'une matrice dermique( 1,5 mm) en surface et de cartilage en profondeur , C greffon en multicouches suturés
Figure 3 greffon de camouflage avec du permacol
0,5 mm
DISCUSSION
L’étude a porté sur les 111 patients retenus
avec un recul de 1 à 27 mois et un recul moyen de 10,4 mois. Il n’a pas été
noté de complications notables sur cette série de patients à savoir par de
douleur particulière, pas d’infection, pas d’extrusion, 8 cas ont présenté une
rougeur dorsale postopératoire ayant disparu dans les 3 à 6 mois qui ont suivi
l’intervention sans aucun traitement particulier si ce n’est une protection
solaire (0,07%). Pas de visibilité pour l’implant au travers de la peau. 3
reprises opératoires pour une bosse résiduelle (0,03%). 6 patients ont nécessité l’injection
d’acide hyaluronique pour traiter des asymétries résiduelles (0,06%).
Tableau
3 : complications
En ce qui concerne la résorption, elle a été analysée en différenciant les patients des 3 groupes cliniques :
-
Le premier groupe de patients (24
patients) ayant eu essentiellement une augmentation dorsale entre 3 et 5 mm de
hauteur (avec deux sous-groupes).
*Premier sous-groupe (10 cas) qui a associé
cartilage et Permacol en surface de 1 ou 1,5 mm afin de camoufler les
différentes couches de cartilage sous-jacentes. Il n’a pas été noté de
résorption significative avec notamment un patient suivi jusqu’à plus de 2 ans
et un autre à 18 mois. Dans les 10 cas le résultat a été jugé satisfaisant sur
l’alignement des lignes dorsale de face et le rehaussement de profil.
*Un deuxième
sous-groupe (14 cas) qui a utilisé une technique associant du 1 ou 1,5 mm en
multicouches, (2 à 3 couches). Dans 10 cas sur 14 (71%), la résorption n’a pas
été significative cliniquement
avec 20% de perte moyenne de volume de l’implant n’ayant donc pas abouti à une
modification notable du résultat et d’insatisfaction du patient. Dans 4
cas sur 14 (29% des cas) la résorption est de l’ordre de 40% suffisamment
importante pour modifier le résultat final. Pour autant, il n’y a pas eu de
demande de reprise opératoire chez ces 4 patients qui se sont satisfaits du
résultat final malgré une insuffisance du résultat jugé par le chirurgien.
-
Le deuxième groupe constitué de 36 cas
dont 19 rhinoplasties secondaires où l’augmentation de hauteur a été de 1 à 2
mm utilisant du 1 mm (1 ou 2 couches).
Dans ce groupe, il n’a pas été noté de résorption notable à l’examen de
contrôle. Néanmoins, l’augmentation de 1 à 2 mm reste modérée et difficilement
chiffrable en terme de résorption. La aussi le résultat a été jugé satisfaisant
sur l’ensemble du groupe en terme d’harmonie des lignes dorsales de face .
-
Le troisième groupe de 51 patients utilisant essentiellement du
0,5 mm en mono ou double couche dont le but était simplement un camouflage sur
des peaux fines pour camoufler d’éventuelles irrégularités. 6 patients
(11,7 % ) de ce groupe ont nécessité une correction par de l’acide hyaluronique
pour des petites imperfections. Bien entendu, dans ce groupe, il est impossible
du fait de l’augmentation modérée de la hauteur, de 0,5 à 1 mm, de pouvoir
juger d’une éventuelle résorption du produit.
implant de 0,5 mm retrouvee en place sur une reprise de pointe 3 ans plus tard
rhinoplastie secondaire , réparation par greffe d’extension septale et greffe dorsale composée de cartilage de
conque et d'une matrice dermique 1,5 mm en surface , A : avant , B : résultat a
25 mois
rhinoplastie ethnique , resultat a 2 ans avec matrice dermiquel 1,5 mm en greffon dorsal et extended shield graft
rhinoplastie ethnique , resultat a 2 ans avec matrice dermiquel 1,5 mm en greffon dorsal et extended shield graft
rhinoplastie secondaire : résultat a 18 mois , reconstruction par spredear graft , strut alaire et recouvrement par matrice dermique 1 mm dorsal
Au total, sur les 111 cas retenues, le Permacol
n’a posé de problème réel que dans le sous-groupe d’augmentation dorsale
supérieure à 3mm en multicouches où son taux de résorption est aléatoire et non
prévisible. Il est probable qu’une épaisseur trop importante de 4 à 5 mm ne
permette pas à l’implant d’être intégré totalement et correctement comme il
peut l’être dans des épaisseurs moins importantes de 1 à 2 mm expliquant
probablement une partie de la
perte de volume, sans bien entendu pouvoir le confirmer, ce résultat va à
l’encontre de certaines publications qui ne retrouvaient pas ou peu de
résorption.
CONCLUSION
La rhinoplastie moderne nécessite toujours plus
de matériel de greffe pour renforcer ou recréer les supports du nez, mais aussi de matériel de camouflage .
Le Permacol présente de nombreux
atouts :pas de précautions d’emploi, souplesse, facilement suturable sans
se déchirer, résistance en milieu infecté et résorption très faible , évite un
prélèvement et une cicatrice supplémentaire .
Cette
étude démontre la bonne fiabilité du Permacol notamment dans son utilisation
dans les rhinoplasties secondaires où il n’a été noté aucune complication (infection
extrusion) en faisant un matériel
de premier choix dans cette indication.
Si le cartilage reste la greffe préférée des
rhinoplasticiens, elle présente certains problèmes notamment dans sa réalisation
pour les réhaussements supérieurs à 3 mm car souvent irrégulière et
visible sous la peau (du fait des multicouches). L’utilisation de greffe composée,
cartilage/Permacol, permet d’assurer une hauteur tout en assurant un résultat
cosmétique, de plus la greffe peut être suturée évitant tout déplacement.
En ce qui concerne l’utilisation de matériel de camouflage, le
rhinoplasticien utilise fréquemment les restes de cartilage écrasés. En
l’absence de restes cartilagineux, l’utilisation d’un prélèvement de fascia
temporal va nécessiter une fois de plus une ouverture supplémentaire ainsi
qu’une augmentation du temps d’intervention. L’utilisation du Permacol dans ses
formes très fines, 0,5 mm ou 1 mm, permet d’avoir en quantité suffisante un
produit sûr avec un taux de résorption très faible permettant d’assurer un
résultat cosmétique.
Cette étude confirme la très
grande fiabilité du Permacol dans son utilisation en rhinoplastie et notamment en rhinoplastie secondaire ( 39 %
des cas opérés )
Le Permacol seul ou en association a du
cartilage nous semble être une alternative technique en rhinoplastie aux cotes
d’autres techniques comme les greffons en dés assemblés par du fascia (
technique de Daniel ) ou par une colle biologique ( technique de Tasman )
Les indications en sont le camouflage,
l’utilisation en greffe composée avec du cartilage pour les rehaussement
supérieurs a 3mm ou en monocouche pour les rehaussement modérés de l’ordre de
2mm
La seule limite semble être son taux de
résorption non prévisible lors de son utilisation en multicouches (supérieure à
3 mm) où le risque d’une perte de volume peut affecter le résultat final.
REFERENCES
1/ Permacol in augmentation rhinoplasty :
how we do it
C Hopkins , R Walter , S Lee , D
Roberts clinical otolaryngology 2009 :34 :68-75
2/ Aesthetic augmentaion rhinoplasty with
permacol : how we do it
L .Pitkin , J Rimmer , S Lo , A Hosni clinical
otolaryngology 2008
3/ Porcine dermal collagen ( permacol ) for
facial contout augmentation : preliminary report
A Saray aesthetic
plastic surgery 2003 , 27,368-375
4/ Acellular porcine dermal collagen implant in
saddle nose deformity
S
Lo, A Hosni plastic reconstructive surgery 2011vol128, issue2 :22-84
5/ treatment of anterior vaginal wall prolapse
with porcine skin collagen implant by the transobturator route :
preliminary results
LJ Salomon, R Detchev , E Barranger ,A Cortez ,
A Callard , P Darai eur urol 2004 :45 :219-225
6/ Porcine dermal collagen : a new option
for soft tissue reconstruction of the lip
J
Benito Ruiz Plast reconst surgery 2006 :
117 :2517-2519
7/Acellular dermal matrix : général
principles for the plastic surgeon
J Fosnot , S Kovach J Serletti
aesthetic surgery journal 2011 : 31 : 55-125
8/ Human in vivo cellular response to a cross
linked acellular implant
TM Hammond, A Chin , H Navsaria , NS
Wiliams br journal surg 2008 :95(4) :438-446
9/ Comparaison of permacol and strattice for the
repair of abdominal wall defects
KE Mulier , AH Nguyen , JP Delaney , S
Marquez hernia journal 2011 :online
15/01/2011
10/ Experimental Evaluation of four biologic
prostheses for vantral hernia repair
B Wolfgang , E Margaret , JP Bonsack , P
Delaney J Gastrointest surg 2007